:: HAPPY ? Yes, No, Maybe...

type : texte - date : 2004

War is Death, Fear is Data, Beliefs is Profit,... des mots mais aussi des chiffres, des lettres, des pourcentages, des points, autant de repères qui reviennent dans les environnements sonores et visuels de l’artiste. Une composition générale qui laisse à penser à un regard critique sur les composants du monde économico-politico-militaire dans lequel nous évoluons depuis la seconde moitié du XXème siècle.

Power, Religion, Abstraction, Attitude, Clone, War, Ignorance défilent sous nos yeux projetés sur écran en guise de fond des concerts ou juju-art show de El Tiger Comics Group, nom de “scène” de Nicolas Germain. D’autres fois ils apparaissent telles des images subliminales piégeant alors notre conscience à l’instar de méthodes propagandistes.

Nicolas Germain met en exergue par le biais de ce langage le potentiel subversif de la sphère financière mondiale mixée aux enjeux militaires, politiques, voire religieux.

Dans les années 80, il dégage une production artistique axée sur le personnage de Tarzan, héros de BD, de cinéma. Enclin à dénoncer une certaine esthétique religieuse, ou des mises en scènes cultuelles au nom de la religion, il élabore des installations “sacrées” après avoir, quelque temps auparavant, sacrifié Tarzan dans ses peintures. Tarzan, ou l’origine indirecte du nom de ses concerts, JUJU-ART SHOW, repris du premier Tarzan avec Johnny Weissmuler (la montagne sacrée), El Tiger Comics Group faisant référence à “Marvel Comics Group”, éditeur des BD de Tarzan aux USA.

L’idée de l’individu, sous forme d’un nom de groupe, caractérise selon lui la déclinaison des médias abordés : outre la peinture, le graphisme - il publie des fanzines alors étudiant à l’Ecole des Beaux-Arts de Caen - il participe à des groupes de musique (MB rock agricole, MOB classé X, Les Mystères de l’Ouest), avant d’étendre plus amplement son champ dans un mixed-media prenant source dans l’informatique.
Il conceptualise cette volonté transversale des médiums sous le nom de JUJU-ART-CONCEPT, soit un véritable mixage entre le son, la manipulation de la voix, le travail de l’image numérique, vidéo et celui du langage écrit. Il se produit dans des concerts visuels dès 1988.
Construction d’environnements scéniques intégrant le numérique, les instruments à cordes, les voix, les mots filmés, manipulés ou imprimés sur des panneaux ouvrant sur la scène,... peut-être un clin d’œil ironique aux grands “show” orchestrés par des hommes politiques ou religieux. Chaque morceau énonce des mots déformés, des phrases répétitives qui rythment le flux des images projetées derrière El Tiger Comics Group. Vision de ciel bleu et nuages blanc juxtaposée à des avions de guerre. Des images de bombardements, tirs de missiles extraits de reportages récents - on pense à la guerre du Golfe - trouvent échos dans des images de films de guerre...

Le travail de Nicolas Germain se situe du côté de l’engagement et de la position critique face aux médias et leur manipulation dans une forme d’économie où multinationales, intérêts militaires, géopolitiques, boursiers semblent dorénavant être les diktats d’un nouvel ordre mondial incluant dans leur jeu - comme des pions sur un damier - politiciens, religions, mass médias (radio, télévision, internet, communication...).

Le mot est média au même titre que l’image. La manipulation numérique des images et des mots par Nicolas Germain ne fait que transposer une forme de réalité déformée par la surinformation déversée par la télévision, la radio, internet où l’impact de l’image, le spectaculaire, l’émotion prévalent sur tout questionnement. La rapidité de l’information, du direct, d’internet piège le système émetteur-récepteur, l’individu récepteur n’ayant plus le temps de se prononcer, de digérer l’info transmise. Dans les juju-art show, les mots, les phrases énoncées et rythmées dans la répétition en pendant de leur projection écrite et numérique sur écran renvoient à cette fragmentation du discours, du copier-coller de l’information diffusée en continu dans certains médias.

Anne CARTEL, 2004

 

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